Nous avons eu le plaisir d’avoir rencontré Pr Nadia MEHIRI BEN RHOUMA, au Service de Pneumologie-Allergologie à l’Hôpital Mongi Slim à La marsa. Nous avons profité de l’occasion pour l’interviewer. Nous avons donc cherché à savoir si les fumeurs qui ont souhaité arrêter de fumer, ont-ils vraiment réussit leur sevrage tabagique et par quels moyens.
En général, la plupart des fumeurs veulent arrêter de fumer toutefois le sevrage tabagique bien qu’il puisse être spontané reste souvent difficile et variable selon le degré de dépendance et de motivation. Les fumeurs utilisent souvent des techniques non validées comme l’arrêt soudain et complet aboutissant à une rechute en quelques jours ou quelques semaines.
Mehdi KANTAOUI : Quel est l’effet du sevrage de la nicotine ?
Pr Nadia MEHIRI BEN RHOUMA : Le sevrage de la nicotine peut entrainer des symptômes importants et très gênants tel qu’un état d’anxiété, une humeur dépressive, des troubles de la concentration, une agitation, une insomnie, des céphalées et des troubles gastro-intestinaux. Ces symptômes sont plus importants durant les premiers jours, la plupart disparaissent en 2 á 4 semaines mais certains symptômes peuvent persister pendant des mois et notamment le besoin de fumer.
Mehdi KANTAOUI : Quels sont les moyens qui peuvent aider le patient à arrêter de fumer ?
Pr Nadia MEHIRI BEN RHOUMA : Dès qu’un fumeur est identifié, il est primordial de l’inciter à arrêter car ce simple conseil donné par un professionnel de santé augmente considérablement ses chances d’arrêter. Si le patient est dépendant, un traitement nicotinique de substitution sous forme de gommes, pastilles, timbres, d’inhalateurs ou de spray nasal est indiqué.
Il est important de prévoir des consultations régulières consacrées spécifiquement à la prise en charge de l’arrêt du tabac. Ce traitement permet de soulager les symptômes du sevrage, réduit l’envie de fumer et prévient les rechutes. Le traitement habituel dure environ 8 semaines puis le dosage sera réduit de manière progressive.
D’autres médicaments ont démontré leur efficacité dans le sevrage tabagique. Il s’agit de la varénicline (champix*) qui réduit l’intensité de l’envie de fumer ainsi que la sensation de manque et le burpropion (zyban*) qui réduit la sensation de manque de nicotine. Ces 2 derniers médicaments sont prescrits en 2ème intention. Ils peuvent occasionner de nombreux effets indésirables et nécessitent un suivi médical. Ils ne sont pas disponibles en Tunisie. Ces traitements médicamenteux doivent être accompagnés de thérapies comportementales et cognitives, permettent de renforcer la motivation du fumeur et améliorer le résultat du traitement médicamenteux. Le bénéfice de l’activité physique, de l’acupuncture et de l’hypnothérapie n’a pas été prouvé mais ces approches ne présentent pas de risques et ne sont pas contrindiqués.
Mehdi KANTAOUI : La cigarette électronique et le tabac chauffé ont-ils une place dans le sevrage tabagique ?
Pr Nadia MEHIRI BEN RHOUMA : La cigarette électronique est un moyen de délivrance de la nicotine et on pense que certains dispositifs transmettent la nicotine aussi rapidement que les cigarettes fumées. A l’heure actuelle, il n’est pas possible de recommander les cigarettes électroniques dans le sevrage tabagique en raison de l’insuffisance des données sur leur efficacité et leur innocuité á long terme.
Si un fumeur choisit la cigarette électronique, il sera informé qu’elle n’est pas un traitement actuellement validé mais que les substances qu’elle contient sont supposées être moins dangereuses que celles contenues dans le tabac. Le patient doit être accompagné dans sa démarche d’arrêt ou réduction du tabagisme. Les produits du tabac chauffé sont conçus pour être chauffés à une température suffisamment élevée pour libérer de la vapeur sans que le tabac soit brulé ce qui pourrait réduire la quantité de substances toxiques inhalées par l’utilisateur.
Les études portant sur l’utilisation du tabac chauffé ont montré que les effets indésirables graves au cours de la période étudiée (13 semaines en moyenne) étaient rares et n’ont pas permis de déterminer si l’utilisation de tabac chauffé aidait les gens à arrêter de fumer des cigarettes. Par ailleurs les niveaux de toxines seraient probablement plus faibles que celles des fumeurs de cigarettes.
Ces résultats sont basés toutefois sur les données d’un petit nombre d’études dont la plupart ont été financées par des compagnies de tabac. Aucune étude n’a évalué l’efficacité du tabac chauffé sur le sevrage tabagique et donc sa place à cette fin reste inconnue.
Mehdi KANTAOUI : Après un sevrage du tabac, comment peut-on éviter les rechutes ?
Pr Nadia MEHIRI BEN RHOUMA : Une fois l’arrêt instauré, la prise en charge vise à prévenir les rechutes qui sont fréquentes car la dépendance persiste après l’arrêt. Les causes de rechutes sont multiples : Elles peuvent se cumuler ou se renforcer telle que déprime, colère, routine de travail, prise de poids. Le stress est responsable de 37% de rechutes. Il convient pour mieux gérer ses envies de se débarrasser des paquets de cigarettes, cendriers, convertir ses moments d’oisiveté en activité sportive, développer des stratégies spécifiques pour résister au tabac, se rappeler des effets de l’arrêt du tabac.
La survenue d’une rechute ne met pas en péril un réel arrêt tabagique puisque les ex fumeurs ont fait en moyenne 4 tentatives sérieuses avant de parvenir à en finir définitivement avec la cigarette. Pour mettre toutes les chances de son côté, il ne faut pas hésiter à associer un professionnel de santé à la tentative de sevrage qu’il soit tabacologue, médecin généraliste ou psychologue.
Très intéressant